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Introduction au projet

Le projet du Laboratoire du Confinement est initialement une exploration des méthodes d’analyses des données textuelles sociales et de leur intérêt pour suivre l’étude des phénomènes humains au cours d’une perturbation profonde de l’environnement social et économique. Le terrain qui nous intéresse est d’une actualité oppressante, l’épidémie de covid19, est à l’évidence un choc majeur, inattendu, un cygne noir. Au-delà des méthodes l’enjeu du projet est aussi d’apprécier et de comprendre comment l’opinion se forme et se propage, contribuant, ou non, à l’état de préparation qui encourage au rebond, et fait participer à l’effort d’atténuation puis de reconstruction.

Nous vivons un désastre, global, même s’ils d’affecte mortellement qu’une part très faible de la population, le virus a cloué au sol l’aviation après avoir circulé en business class, confiné la moitié du monde. Ses conséquences sont sanitaires, sociales, économiques et politiques, culturelles aussi, ses incidences seront sans doute lointaines. Nous en devinons à peine les perspectives.Comprendre et suivre au jour le jour les idées et les sentiments qui traversent les populations peut aider à de meilleures décisions en période de si fortes incertitudes, et sans donner de réponse peuvent permettre d’éviter les impasses et les erreurs.

La manière dont les gens le vivent, du moins en France résulte d’un régime d’exception, largement adopté à travers les pays, qui vise à maintenir au domicile toutes les personnes non nécessaires au traitement de la question sanitaire, de celle de l’approvisionnement alimentaire et pharmaceutique, et en même temps à assurer des productions et des services fondamentaux : l’alimentation, la pharmacie, un socle minimal de transport. Cette période va durer du 16 mars au 11 mai, et à cette date les modalités du déconfinement ne sont pas encore tout à fait établies et le seront très progressivement. Les étudiants ne retourneront dans les amphis qu’en septembre. Une grande partie des employés et des cadres poursuivront leur tâche en télétravail, la distance sociale va devenir un isolement social. Les entreprises bataillent déjà avec les systèmes d’air conditionnés, les opens spaces, trouvent des solutions en dédoublant les équipes, pour parer aux effects d’infections, et limiter à force de visières et de barrière à la prolifération sauvage et incontrolable du virus. Déconfiner ne voudra pas dire en avoir fini avec l’épidémie.

C’est cette manière de vivre qui est l’objet de notre dispositif d’observation. Comment l’expérience du confinement est rendues compte sur au moins un réseau social. Qui dit quoi? qui véhicule quelle idée ? Quelle dynamique propulse des messages en tête d’affiche, comment la production collective du discours peut affecter l’agenda ?

Un cadre d’analyse

Un cadre d’analyse est fourni par les spécialistes d’épidémiologie, de l’humanitaire, des organisations internationales et de la gestion des risque qui se condense dans l’expression de management du désastre.(disaster management). Si la catastrophe désigne le phénomène qui frappe (guerre, tsunami, épidémie), le désastre en désigne les conséquences, l’ébranlement ou l’effondrement des systèmes matériels, économique sociaux mais aussi moraux, tout autant que les comportement qui en atténue les conséquences, et permet le rebond des communautés nécessaires dans l’horizon de la reconstruction.

Ses traits caractéristiques sont :

  • la soudaineté
  • L’imprédictabilité
  • l’incontrolabilité,
  • L’intensité des destructions
  • Les pertes humaines et la souffrance
  • L’atteinte aux capacités de réaction de la communauté affectée.

Cette littérature met en avant deux idées (Nojavan, Salehi, and Omidvar (2018). )

  • la première est que la réponse des populations au désastre résulte de leurs émotions, de leur capacités et de leurs intérêts et qu’elle se traduit par le degré de participation aux opérations d’atténuation, par des dispositions morales de rebond et de résilience, et la force du sentiment communautaire Noji (2005) . Voilà qui décrit précisement la situation actuelle : dans quelle mesure les populations participent à la construction de cette barrière virale batie sur l’idée de distance sociale ? Dans quelle mesure poursuivent-elles leurs activités en dépit des contraintes radicales du confinement et en particulier celles de l’approvisionnement ? Dans quelle mesure la communauté se soude-et-elle, notamment dans le rituel de l’applaudissement des héros ?

  • la seconde est celle d’un cycle émotionnel qui après la stupeur encourage l’héroisme, auxquel la désillusion succède, jusqu’à retrouver un état apaisé qui correspond à une socité stabilisée et confiante dans son futur (autrement dit sure des évolutions qu’elle va subir, et en moyenne confiante dans ce que cette évolution va améliorer leur position). C’est celle qui est donnée par la perspective de la santé mentale( Math et al. (2015) )

Figure 1 :cycle de vie de la santé morale

Nous sommes dans ce désastre et l’expérience vécue par tous est celle du confinement, même si pour chacun elle se traduit par des contraintes fort distinctes : quand certains se sont réfugiés dans leur résidence secondaire, d’autres sont cloués dans de petits appartements et des ressources inégales. La contrainte domine par une injonction à rester chez soi, un dispositif réglementaire qui contrôle, nudge et sanctionne, une privation, espérons temporaire, de liberté de déplacement. Une vie sociale limitée au foyer et aux moyens de communiquer qui se sont multipliés. Aux Whatsapps, Snap, Messenger, s’ajoutent Zoom ou Teams. Un désastre confortable si les conditions sociales ne faisaient que ceux qui sont exposés aux contraintes les plus fortes ( l’obligation de travail in situ) sont aussi ceux qui ont les ressources les plus faibles ( résidences de banlieues).

Les mots sont importants, autant que l’expérience qui s’y traduit. Les mots du confinement sont bien rendus par autourdumot, et il est utile d’en revenir à sa définition. Mais nous aurons à revenir sur ce qui est dans cette littérature du désastre une question lancinante : crise, désastre, catastrophe ? s’agit-il de concept différents ? lequel est_il le plus adéquat à la situation?

Sur le plan empirique, un des réseaux où les états d’âmes peuvent s’exprimer librement est naturellement Twitter. Très rapidement a émergé un hashtag #confinementjour1 puis 2 et 3 ( nous en somme à 40), et voué à de longs jours et qui jusqu’à ce jour émerge en trending topic. Il cristallise les intentions d’exprimer sa propre expérience et de partager ses états d’âmes, mais aussi les discours militants qui veulent y accrocher leurs mantras. L’humour y a une place importante, la catharsis est sans doute un moteur. Ce que l’on traite est un flux, le flux du discours socialisés par les plateformes. Dans aucun cas elle ne reflête une opinion insaisissable car elle ne s’exprime pas même forcée par les études d’opinions, elle reflète la production et la répétition du discours de ceux qui s’engage, le paysage discursif auquel sont soumises des populations bien plus larges que celles qui participent à sa composition.Un tweet pour 5 retweets.

C’est ce canal que nous allons utiliser pour tester la sensibilité des instruments de mesure du sentiment, et, espérons, mieux comprendre la réaction des populations à un désastre, un choc anthropologique brutal (le choc c’est la rencontre d’une société avancée et mobile, et d’une contingence naturelle : un virus qui circule de bouche en bouche et se déplace en business class).

Les données du covid19 et du confinement

Pour les données factuelles, le dashboard de la John Hopskins University restera un cas d’école en matière d’open dat , l’initiative du geg au travers de son site le grand continent est similaire et remarquable. Ils sont notre inspiration pour un processus qui vise à intégrer la collecte, le traitement et la repropagation des données. Les historiens sont actifs, appelent à la constitution d’archives de l’immédiat. D’autres sets de données sont disponibles et s’il ne fallait donner qu’une source, la page maintenue par frédéric clavert est précieuse.

Nous nous intéressons moins au virus et à la maladie (saisie par le #covid19 et ses voisins), moins au choc économique et social que le confinement va produire, qu’à la manière dont les gens vivent ce choc jour après jour, en capturant l’écume sociale de leur expérience et en tentant d’y mesurer les sentiments, les émotions et les préoccupations et leur variations au cours des jours. Pour nous repérer, une frise des évenements est en cours d’élaboration.

On va lancer nos filets de pêche dans ce petit courant, chaque jour, en espérant que ce sera un caillou de plus pour retrouver le chemin d’une humanité en bonne santé. Un des objectifs sera de produire un corpus annoté mis à disposition en open access pour les chercheurs qui considérerait que c’est un bon terrain pour tester leur hypothèses. Le processus suivant est résumé dans la figure suivante :

Figure 2 Processus de collecte et de traitement du corpus

Les analyses

Les liens vers les différentes facettes de l’étude de ce corpus sont donnés ci-dessous. Ils correspondent aux différents projets de l’équipe et aux script d’analyse qui ont été produits.

Références

Math, SureshBada, MariaChristine Nirmala, Sydney Moirangthem, and NaveenC Kumar. 2015. “Disaster Management: Mental Health Perspective.” Indian Journal of Psychological Medicine 37 (3): 261. https://doi.org/10.4103/0253-7176.162915.

Nojavan, Mehdi, Esmail Salehi, and Babak Omidvar. 2018. “Conceptual Change of Disaster Management Models: A Thematic Analysis.” Jàmbá: Journal of Disaster Risk Studies 10 (1). https://doi.org/10.4102/jamba.v10i1.451.

Noji, Eric K. 2005. “Disasters: Introduction and State of the Art.” Epidemiologic Reviews 27 (1): 3–8. https://doi.org/10.1093/epirev/mxi007.